Jn 15, 1-8
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il en porte davantage. Mais vous, déjà vous voici purifiés grâce à la parole que je vous ai dite. Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.
Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est, comme le sarment, jeté dehors, et il se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent. Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voulez, et cela se réalisera pour vous. Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit et que vous soyez pour moi des disciples. »
Commentaire
Comme d’habitude, Jean vient compléter les évangiles synoptiques, leur donner un éclairage différent. Ici, on se rappelle de la parabole des vignerons meurtriers[1], où les métayers ne voulaient pas remettre le fruit de la vigne à son propriétaire. Jean donne une autre lecture de cette parabole. Car si le Christ est lui-même la vraie vigne, s’Il rentre lui-même dans la vigne dont nous sommes les sarments, il fait de nous les porteurs directs du fruit. Ainsi, Jean opère comme un renversement éclairant.
En effet, en tant que serment, je ne peux être que le témoin du fruit que je porte car ce fruit, si je demeure dans le Christ, n’est jamais le mien, mais celui alimenté par le cep, et c’est d’ailleurs ce qui me réjouit et m’émerveille : je vois Dieu à l’œuvre, qui me fait la grâce immense de passer à travers moi, comme la sève traverse le serment jusqu’à la grappe. Je vois les fruits, devant moi, et d’une certaine manière, Dieu me les offre, m’en fait bénéficiaire, puisque je constate sa bonté et sa générosité (« cela se réalisera pour vous »).
Mais si ce fruit, je le considère comme le produit exclusif de mon travail, si je considère que « je l’ai bien gagné », si dès lors je ne daigne pas y voir la main de Dieu, si je ne veux pas y voir un cadeau magnifique, qui m’est d’abord destiné parce que, même si j’ai donné ma fatigue, j’ai eu la grâce que cela passe par moi, je reste à côté de la réalité des choses. La vie devient vide, absurde, sans avenir ni Espérance. Même si je bénéficiais d’un peu de foi au début, cette dernière va s’étioler, et devenir vide, morte, sèche, puisque la vue des fruits en est la première nourriture. A la limite, ce n’est pas Dieu qui enlève le sarment qui ne porte pas de fruit (c’est-à-dire qui ne veut pas voir les fruits de Dieu dans sa vie), c’est le sarment lui-même qui se coupe de la sève du cep, et va se dessécher, puis tomber, et n’être bon qu’à jeter au feu.
Demeurer dans le Christ, c’est donc lire chaque instant baigné de sa présence, où il agit, et où il nous fait porter du fruit. La « quantité » dépend des moments, mais c’est surtout une question de regard. L’enjeu est de savoir discerner le Christ qui vient marcher à nos côtés comme avec les compagnons d’Emmaüs, qui nous parle sur la route, et nous montre le jour qui demeure même dans la nuit qui descend. Et alors oui, nous verrons la Gloire de Dieu dans tous ces fruits. St Irénée disait bien « la Gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la Vie de l’homme, c’est la vision de Dieu. »