QUATRE SAINTS À INVOQUER EN CARÊME
Dans la Lettre apostolique Patrice corde (8 décembre 2020) le Pape François écrit en finale : « La mission spécifique des saints est non seulement d’accorder des miracles et des grâces, mais d’intercéder pour nous devant Dieu. (…) Ils aident tous les fidèles à chercher la sainteté et la perfection propres à leur état. Leur vie est une preuve concrète qu’il est possible de vivre l’Évangile. »
Voilà pourquoi nous vous proposons quatre figures de sainteté capables de nous accompagner au long de ce Carême.
L’abbé Daniel Joëssel, apôtre de la jeunesse (1908-1940)
N.B. Ce prêtre ne fait pas partie de la liste officielle des saints et bienheureux reconnus par l’Église, mais un groupe de fidèles émanant de plusieurs diocèses (dont celui de Nanterre) projette de présenter sa cause. Nous pouvons le considérer comme l’un de ces « saints de la porte d’à-côté » dont parle le Pape François : « ceux qui vivent proches de nous et sont un reflet de la présence de Dieu, ou, pour employer une autre expression, ‘‘la classe moyenne de la sainteté’’. » (Exhortation apostolique Gaudete et Exsultate, 2018).
Il faut noter que très vite après sa mort une biographie aux allures d’hagiographie a été publiée par le journaliste François Veuillot, le père de celui qui deviendra archevêque de Paris, le cardinal Pierre Veuillot qui, au début de son ministère, fut vicaire à Asnières où il connut et apprécia l’abbé : « Un vicaire en banlieue – l’abbé Daniel Joëssel », collection « Belles vies sacerdotales », Bloud et Gay, Paris, 1942, 224 pages.
Daniel naquit à Audincourt, en Franche-Comté, où son père dirigeait une grande usine métallurgique. Il est le quatrième et dernier de la fratrie. Il a une dizaine d’années lorsque la famille vient s’installer à Versailles : « Dani » ira au collège eudiste Saint-Jean-de-Béthune avec ses frères ; ils n’y resteront qu’une année. Il finira ses études secondaires au collège parisien Saint-Ignace fondé par les jésuites.
Il milite à l’œuvre de la Sainte-Enfance (aujourd’hui Enfance missionnaire) et aime annoncer : « Celui-là, maman, je l’ai eu ! » À ses parents qui s’inquiète de ce zèle parfois excessif, un professeur réponds : « On l’aime et on le suit ! »
Très tôt il se sent appelé au sacerdoce et à quinze ans il rêvait de missions lointaines. Mais après une retraite à l’abbaye bénédictine de Solesmes (Sarthe) il décide de devenir moine : à cause de son âge et de sa santé, l’Abbé et ses parents lui conseillent de sursoir…
Il entre à 19 ans au Séminaire français de Rome au titre du diocèse de Paris, mais sa santé l’oblige à le quitter au bout d’un an.
L’année suivante, en novembre 1928, il revient à Solesmes ; mais une nouvelle fois sa santé le contraint à renoncer dès le mois de février suivant. Cependant toute sa vie il gardera la nostalgie de la vie contemplative.
En 1930, son service militaire terminé, il rejoint le Séminaire de l’Institut Catholique de Paris (Séminaire des Carmes). Durant sa formation il répondit à l’appel du curé de Montesson (Yvelines) pour aller assurer le catéchisme d’une banlieue défavorisée avec l’aide d’une « escouade d’hommes catéchistes » qu’il sut recruter parmi ses anciens condisciples de lycée.
Il sera ordonné prêtre en 1934. En 1935 il est nommé vicaire à la paroisse Sainte-Geneviève d’Asnières qui fait à cette époque partie du diocèse de Paris : il y sera spécialement actif auprès des jeunes que ce soit le Patronage, les colonies de vacances, les Scouts, les Cœurs Vaillants, la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC) ou la Jeunesse Étudiante Chrétienne (JEC). Il aimait répéter : « Que tous soient un ! » (Jn 17, 21).
Appuyé par son curé il parvint à bâtir de nouveaux locaux pour le patronage qu’il développa considérablement. On acheta pour cela un terrain sur lequel furent progressivement édifiés des bâtiments propres à accueillir les activités des enfants et des jeunes : il sut s’y montrer bon animateur et bon administrateur. Il participera également aux débuts de la nouvelle église Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours (dont la première pierre fut posée en 1933) : il y animera, par exemple, des « Journées des malades ».
S’il savait très bien conduire des groupes il avait aussi un grand désir d’accompagner personnellement les uns et les autres, surtout au moment d’épreuves arrivant dans leur vie. Beaucoup témoignent de sa bienveillance et de « son sourire permanent ». Il savait collaborer et avec ses confrères et avec des laïcs, discerner et développer les capacités des jeunes à assumer des responsabilités.
L’abbé eut tout au long de son trop bref ministère un grand désir de susciter chez ses jeunes des vocations sacerdotales. En 1953 l’un de ceux qui lui doivent pour une part leur désir de devenir prêtre peut dénombrer sept jeunes asniérois qui sont dans son cas.
Lorsque survient la Seconde Guerre mondiale le lieutenant d’artillerie Joëssel est mobilisé et rejoint le front en septembre 1939. Bien conscient de la fin qui pouvait l’attendre il confia à son curé : « J’offre le sacrifice (de ma vie) surtout pour qu’il y ait des prêtres qui me remplacent et qui tâchent aussi amener des âmes au vrai Royaume de la Charité. » Et à un autre prêtre : « J’ai fait tout ce que j’ai pu pour mes gosses, j’ai donné tout ce que j’ai pu donner ; maintenant je n’ai plus qu’à mourir pour eux. »
Ses supérieurs militaires comme ses subordonnés furent marqués par la grande qualité de sa présence en toutes circonstances. Le 20 mai 1940 il est blessé et hospitalisé en Belgique où il mourra quelques jours plus tard. Il aura cependant le temps de dicter une lettre à sa famille, une autre à son curé et la dernière à un ami prêtre. Il sera inhumé sur place, à Ciney. Il recevra la Légion d’Honneur à titre posthume avec cette citation : « Magnifique entraîneur d’hommes, dont l’activité et la calme bravoure ont fait l’admiration de tous. »
En 1949, accueilli par le cardinal Maurice Feltin, archevêque de Paris, son corps est transféré dans un tombeau installé dans l’église Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours. Sur l’épitaphe on lit : « Par son zèle joyeux et conquérant, par son esprit de prière et de pénitence, il offrit le sacrifice de sa vie pour la persévérance de ses enfants et pour le sacerdoce ».
Mgr Yvon Aybram